Au-delà de mes rêves …
Même durant la préparation, qui s’est déroulée à merveille je n’ai jamais je dis bien jamais envisagé de boucler le parcours en moins de 50h. Donc oui cette épreuve, ce défi est réalisé au-delà de mes rêves. Malgré mes expériences passées en course à pied que ce soit au spartathlon ou à l’UTMB et dans une moindre mesure à Embrun, je n’ai jamais vécu pareille aventure.
Que d’émotions en sentant à chaque instant le soutien de mes amis, de ma famille, de mes potes couxois ou cyclosportissimo, bref un grand et long moment de bonheur.
16h30 on vient de faire tamponner notre carton à Rambouillet.
C’est parti, la délivrance heureux d’être là heureux de pouvoir vivre ça.
Je suis très relax malgré le nombre de coureurs, nous partons par vague successive de 300 coureurs, il faut être très concentré. Le peloton est majoritairement composé de cyclistes étrangers, certains sont clairement là pour faire la course, Paris Brest Paris est une randonnée, en revanche je vous le dis là c’est la course. En gros ça roule assez vite, les bosses se montent gros tempo, le peloton s’amoindri et nous commençons déjà à rattraper des coureurs des vagues précédentes (16h et 16h15), avant même le premier contrôle de Villaine la Juhel au 217ème nous avons rattrapé bon nombre de cyclistes. Ça discute en anglais en allemand en je ne sais pas quoi (les néerlandais et les américains parlent forts !).
Contrôle de Villaines, je suis concentré car sur PBP les contrôles ce n’est pas forcément facile étant en autonomie il faut tout gérer, le contrôle de la puce facile on passe sur les tapis, ensuite contrôle manuel avec notre livret de route à faire tamponner, et clic et clac avec les chaussures de vélo pour aller dans la salle « contrôle » ensuite 2 options snack (sandwich, petit encas boisson) ou restauration (repas complet chaud avec entrée et/ou plat et/ou dessert) ce sera comme ça à chaque contrôle.
J’essaie d’être efficace, je prends un truc vite fait au snack, vais remplir mes bidons (2x950ml) et regagne mon vélo pour repartir. Je repars avec un gars bref déjà presque isolé au bout de 220km !!!
Direction Fougères, un petit groupe se reforme, à vrai dire je ne me souviens pas très bien de cette partie, nous sommes dans la nuit, il me semble que c’est là que nous franchissons un village qui va faire des dégâts avec une petite bordure très mal indiquée pas très haute mais suffisamment pour que de nombreux coureurs crèvent ou malheureusement chutent !
Bref on avance la nuit n’est pas fraiche en tout cas pas besoin de revêtir trop de vêtement, je reste avec mon sixs mon maillot manches courtes et manchette et bas cuissard court.
Fougères je dois manger un sandwich je crois et un KF.
Nous sommes au cœur de la nuit et les sensations sont toujours étranges, l’impression d’aller vite et nous sommes sûr de longues lignes droites qui ondulent sans arrêt. Franchement il me semble à cet instant qu’il vaut mieux y passer de nuit 😉
Fougères – Tinténiac, les têtes sont maintenant connues, et notre petit groupe fonctionne plutôt bien, certains passent plus que d’autres mais aucun problème, soyons honnête un cycliste fait beaucoup de travail … j’y reviendrai plus tard.
Tinténiac petit déjeuner, je dois engloutir un croissant et un kf je ne traine pas en espérant pouvoir rester dans le petit groupe pour finir la nuit.
Je retrouve rapidement des compagnons de route, entre Tinténiac et Loudéac, le jour pointe son nez et le levé de soleil est très sympa. Rien de particulier sur le vélo senti légèrement le froid vers 6h du matin en revanche rien de bien méchant.
Loudéac c’est l’heure du petit déjeuner lol soupe sandwich et croissant 😊 ça passe crème comme dirait mon fils.
Aller direction Brest en passant par Carhaix, nous sommes assurément en Bretagne, il y a du monde au bord des routes et des ravitos « sauvages » nous sont proposés, le menu est copieux déjà jusqu’à présent nous avons enchainé pas mal de bosses, maintenant ça n’arrête pas et les pourcentages ne sont plus les mêmes les jambes répondent bien, le groupe avec qui je roule à l’air de prendre un peu le temps … je m’échappe avant de laisser revenir, inutile de laisser trop d’énergie ici. Contrôle secret sur le point d’accueil à St Nicolas du Pelem. Je repars « vite » et me retrouve seul puis avec 2 néerlandais.
Nous cheminons jusqu’à Carhaix ensemble plus moi devant dans les bosses et eux devant sur le plat descendant. Ils sont à priori ensemble.
Carhaix je prends un sandwich un perrier, et repars seul enfin il me semble !
Très vite je me retrouve avec un autre cycliste qui a été souvent dans les petits groupes avec lesquels j’ai roulé depuis cette nuit, je sais qu’il n’est pas avare de coup de pédale. Nous allons à Brest ensemble en échangeant quelques mots. Le vent défavorable se renforce à l’approche de Brest nous nous unissant pour être le plus efficace possible, l’arrivée à Brest n’est pas facile et pour accéder au contrôle il y a une belle bosse que je passe tranquille.
Brest nous voilà il est 14h23, un peu moins de 22h depuis le départ pause comprise, mes pauses se sont limitées à 1h10 en ajoutant les 30’ de Brest nous sommes à 1h40, très très correct et déjà au-dessus des prévisions sans être trop entamé.
Brest repas complet, mon acolyte qui est également en autonomie décide d’aller se doucher (drôle d’idée je trouve …).
Je mange rempli mes bidons (repas complet entrée plat dessert et far breton évidemment).
Cette fois je reprends la route seul, le vent est plutôt favorable mais pas toujours, je reviens sur un coureur, et nous croisons les cyclistes en sens inverse, sensations étranges nous sommes sur le retour …
Jusqu’à maintenant j’ai fait, le BRM 600 l’an passé et le BRM 600 cette année plus la flèche avec 550km, dorénavant place à l’inconnu …
Dès la sortie de Brest ça monte, les jambes répondent bien je n’en ajoute pas et remonte quelques cyclos. Au bout de 40-45km un groupe de 4-5 revient (les 2 néerlandais de tout à l’heure et 2-3 autres têtes connues) les néerlandais ont le culot de me demander de rouler alors que je suis seul depuis Brest. Je les renvoie dans leur polder ! et me mets en fond de groupe …
Je me laisse emmener jusqu’à Carhaix.
Carhaix Loudéac, cette partie est difficile avec des bosses raides et des descentes rapides, bien content de passer là de jour. Je rattrape un cycliste un grand cycliste de PARIS BREST PARIS avec qui j’ai roulé la première nuit sans savoir qui il était, d’ailleurs à ce moment je ne sais toujours pas qui il est. Nous roulons un peu ensemble et il me dit de filer car il se ressent de ça chute de la nuit dernière, ce coureur n’est autre que Christophe Bocquet (8 fois PBP et 43h il y a 4 ans !) et plusieurs fois arrivant dans le groupe de tête… Au final je roulerai globalement plus vite mais il s’arrêtera moins et ne dormira pas, il arrivera une bonne ½ heure avant à Rambouillet.
Loudéac retour, là c’est un peu la cours des miracles entre les randonneurs qui sont à l’aller et nous qui revenons, je comprends vite qu’il va falloir bien gérer pour ne pas perdre trop de temps, contrôle ok, manger moins ok, il y a la queue au restaurant je choisis donc le snack, ou pour moi il y a largement ce qu’il faut, soupe sandwich il me semble. Je repars de Loudéac seul et rejoint rapidement quelques unités et d’autre se joignent à nous. Nous reformons un groupe qui roule sans plus et surtout par à coup au moins je n’ai pas sommeil. J’avais prévu au retour une pause sommeil vers 23h ou quand elle sera nécessaire donc vers Quedillac, étant bien « au chaud » dans le groupe tout en faisant ma part de travail je décide de rejoindre Tinténiac, je n’ai pas de besoin particulier en termes d’alimentation ni d’hydratation donc profitons du groupe… ce sera la dernière fois !
Tinténiac retour :
Arrêt je souhaite manger et éventuellement dormir, je commence par me changer en enfilant ma veste d’hiver, pas de restauration uniquement snack ok ok. Je remplis mes bidons et vais voir au dortoir sans grande conviction et choisi de repartir, j’ai dû perdre quelques minutes malgré tout…
Pas grave je suis largement dans les prévisions les plus optimistes…
Le remise en route est un peu poussive, il y a de la brume et il ne fait pas très chaud, je me souviens de mon compagnon du 600 de juin, ne va pas vite mais roule !
J’applique à la lettre cette formule, d’ailleurs je ne dois pas si mal avancer car personne ne me rattrape …
Fougères quasiment 24h après le passage aller me voilà à nouveau à Fougères, vous avez l’habitude maintenant, contrôle bidon, la je croise un cyclo avec qui nous avons déjà fait un bout de route depuis le départ : je lui dis tu fais quoi ? il me dis je me pose 30’ ok banco je fais comme toi et on repart ensemble. C’est bon !
Nous payons nos 2€ de dortoirs et hop je m’allonge et plonge quasiment instantanément. Réveil « naturel » mdr au bout de 20’, on repart sans passer par la case départ.
Je sais que le jour va bientôt arriver, pas chaud pas chaud au départ mais très vite on prend une belle bosse, mon compagnon est du coin donc il me « guide » malheureusement pour lui il n’a pas réussi à dormir et n’a pas les jambes, il me dit de filer.
Je lui dis que de toute manière j’ai grave la dalle et que, au lever du jour dès que je vois une boulangerie d’ouverte je m’arrête. Je vais rouler tout de même quelques kilomètres avant de trouver, ça fait du bien j’engloutis une énorme part de flan et un croissant aux amandes avec un grand KF. Pendant ce temps 2 allemands passent et mon compagnon. Je ne tarde pas à revenir, les 2 allemands ne montent pas très vite et je ne m’en occupe pas. Dorénavant je vois la ligne, je visualise. Jusqu’à présent à aucun moment je n’y ai pensé.
Je suis bien, un sentiment de plénitude et la joie de savoir qu’à priori je vais terminer ce P-B-P 2019.
Pour autant je reste concentré à mon sujet et me dirige tranquillement vers Villaines la Juhel ou je dois voir ma frangine, mes petites nièces et mon neveu qui habitent à quelques encablures. Cela fait du bien et me remonte à bloc pour terminer correctement.
A cet instant je viens de passer les 1000km, vous savez comme le jeu des 1000 Bornes 😊
C’est pour moi assez magique en à peine plus de 40h j’ai parcouru 1000km outch !
Dernière ligne droite, je suis dans un autre monde, direction Mortagne les bosses continuent de s’enchainer sans guère de répit, j’arrive dans mon département d’origine la Sarthe et rejoint Mamers.
Mortagne au Perche il faut aller le chercher ce contrôle avec une rampe d’accès pas facile !
Les bénévoles sont là avec le sourire et je leur rends un grand hommage car ils sont présents 3 jours et 3 nuits. C’est fabuleux, j’ai le buffet pour moi tout seul et le parc à vélo idem 😀
Je mange une assiette de riz afin de terminer correctement avec un perrier.
Mortagne Dreux théoriquement rien d’insurmontable en revanche il y a encore 2-3 enfin plutôt 5-6 bosses à passer !
L’arrivée sur Dreux avec ses lignes droites qui n’en finissent pas, la fatigue me rattrape néanmoins je reste lucide. Dreux 5’ d’arrêt un double expresso remplissage des bidons une tarte au citron et le mode chrono est enclenché.
Les 45 derniers kilomètres sont particuliers avec des sensations et des émotions jamais ressenties ni en CAP ni en vélo évidemment. La barre des 1200km est franchi en 48h pauses comprises …
Je savoure les 10 derniers kilomètres et encore plus la traversée de la bergerie nationale pour rejoindre l’arrivée. Ma chérie m’y attend avec Marion, cependant je sais que beaucoup sont là également à travers leurs écrans ou par la pensée. Je plane je suis dans mes rêves.
https://www.strava.com/activities/2637459088
liens :
http://www.paris-brest-paris.org
http://www.cyclosportissimo.com/
http://download.paris-brest-paris.org/PBP%202019%20FRANCAIS.mov
Matériel : révision complète chez KOMBIKE
- Spécialized Tarmac S-Works SL3
- Roues carbones mavic C40 – pneus GP5000
- 2 lampes lézine 1100 lumens
- 3 lampes arrière
- Batterie additionnelle 13000mA
- 2 chambres à air, outillage
- Sacoche de selle (rechange, jambière, veste d’hiver, veste de pluie, pompe)
- Sacoche de cadre
- Ravitaillement (trop !)
- Mini prolongateur + garmin Edge 820 + sonnette
- Cuissard OZIO grand fondo Brevet
- Sixs manche courte
- Manchette
- Maillot vélo été
- Mitaine + gants long la nuit
- Chaussure s-works 7
Tu as réalisé quelque chose d’énorme dont tu n’as sans doute pas encore pris toute la mesure. Sans assistance mettre moins de 50 heures relève de la très grosse performance. Tous les connaisseurs te le diront. Etre si prêt d’un Marko Baloh (4 heures ce n’est rien sur 1200 km), dont le palmarès en ultra-distance est un des plus beaux et des plus fournis au niveau européen, situe ta performance. Tu m’as donné la chair de poule en te suivant dernière mon écran. Chapeau. Pour un “rookie”, tu peux être fier de ce que tu as réalisé. J’ai eu le plaisir de partager une partie de ta préparation et je ne suis pas surpris d’un tel résultat. Tu as parfaitement maîtriser tous les paramètres, su déjouer tous les pièges que peut réserver ce type d’épreuve. Je vais d’ailleurs m’inspirer de toi maintenant 😉 Prends une fois encore le temps de savourer, de refaire défiler toutes les images fortes et les émotions de ton périple. Du as quelques beaux rêves à faire 😉 Très fier et très honoré de partager avec toi les couleurs de Coux et celle du Team Cyclosportissimo.
Quelle performance !!! Moins de 50 heures sans assistance ! Tu ne vas certainement pas en rester là. Ce PBP peut te faire envisager de beaux résultats dans les années à venir. Bravo Bertrand.
Bravo. T’es un champion, suis ravi d’avoir été à tes côtés pendant ta préparation, toi tu as assuré jusqu’au bout et tamponné le dernier contrôle à Rambouillet, chapeau Bertrand!
Quelle “balade” ! J’ai cheminé avec toi dans cette fluidité jusqu’à: “Brest nous voilà il est 14h23, un peu moins de 22h depuis le départ pause comprise,…” et là je me suis dit:
– Attend, il vient de rouler 600km non stop là !!!!
Puis on repart dans l’autre sens, dans cette aventure où le hasard n’a pas sa place, où l’athlète tel un métronome enchaine les kms, les côtes, pour aller au bout de son rêve.
Ce récit est juste énorme.
Chapeau Bertrand!
Merci Patrick,
et merci pour la belle balade de samedi.
à très bientôt (c’est roulant !)
Chapeau l’artiste !!
Il n’est jamais trop tard pour découvrir ton récit , ton exploit je veux dire…
Bien tentant cette aventure , mais dans une autre vie peut être…